L’âme immortelle
Les erreurs du spiritisme et d’autres disciplines occultes
Comme toujours, on s’attache plutôt aux erreurs manifestes qu’aux parcelles de vérité si difficiles à saisir.
Le spiritisme et la théosophie, ces deux doctrines destinées à jouer le plus grand rôle dans l’étude de l’au-delà, ont peut-être le plus fait pour discréditer les recherches déjà réalisées. Que dire alors des branches occultes de moindre importance, qui commençant par la chiromancie et finissant par l’astrologie ou la lucidité à travers les boules de cristal, avaient souvent dénaturé et discrédité les investigations poursuivies !
Prenons à titre d’exemple la photographie spirite. En voulant la rattacher à l’apparition des morts, on a rendu toutes les deux également contestables.
Un certain Muller, de Boston, graveur de profession et photographe à ses moments perdus, aperçut un jour, en développant une plaque, à côté de l’image du modèle, une tête impressionnante. Quelques jours après, un incident analogue le bouleversa profondément. Il conclut finalement que tout cela provenait du nettoyage imparfait de la glace qui avait reçu une impression préalable. Ayant compris que le hasard lui avait confié une mine à exploiter, il est devenu le précurseur de la photographie spirite. Il réalisa bientôt une immense fortune et eut de nombreux imitateurs. Le commerce spirite prit un tel développement qu’on put annoncer en 1874 une édition nouvelle de la Bible avec des photographies authentiques d’Abraham, Moïse, David, du Roi Salomon et autres personnalités des Évangiles.
Les photographes des autres pays ne voulant pas se laisser distancer par ceux des États-Unis, ont produit également des merveilles de ce genre.
Les tribunaux ont cru nécessaire de mettre fin au goût immodéré des esprits de se faire photographier, en infligeant des années de prison aux artistes ingénieux qui faisaient le commerce des images d’outre-monde.
On a eu beau démontrer au public la possibilité de pouvoir revêtir les épreuves d’un aspect fluidique au gré de l’opérateur adroit, la photographie spirite continua quand même ses ravages.
Sans vouloir nier, d’une façon absolue, la photographie spirite qui compte parmi ses adeptes des hommes d’une certaine envergure intellectuelle et d’une bonne foi incontestable, on ne saura assez déplorer la légèreté avec laquelle on accepte le plus souvent des faits douteux.
Prenons un autre exemple : La lucidité à travers les boules de cristal compte de nombreux adeptes non seulement dans les pays anglo-saxons mais aussi en France et ailleurs. Il y eut même des époques, où celles-ci produisaient les effets d’une épidémie. Le culte de la boule se réduit à une cérémonie bien simple. On fixe un prisme cristallin et au bout de quelque temps on y aperçoit des visions qui correspondent d’ordinaire à nos préoccupations mentales. L’intensité du spectacle dépend à la fois de l’impressionnabilité du sujet et des qualités du prisme.
Celle de Morrison, auteur de l’Almanach Zadkiel a même joui, en 1863 d’une réputation mondiale. On y voyait notre mère à tous, Eve, le Roi Arthur et sa table ronde, les Apôtres et les saints de toutes les Églises. On y voyait même Judas Iscariote ! Et l'Almanach, qui rendait compte des spectacles que reflétait la fameuse boule parle ainsi de cette dernière apparition :
« Judas est très malheureux. Il a vendu Jésus-christ. Il est en Enfer et désire en sortir avec l’appui du cristal... »
Lorsqu’on s’avisa un jour d’intenter un procès à Morrison, ce dernier put citer parmi ses adeptes les hommes les plus éminents en Grande-Bretagne, depuis Lord Graham, en passant par le vénérable archidiacre Robinson et l’évêque Lichfield, et en finissant par le colonel Phipp* et lord Effingham. Tous s’étaient laissés toucher par la grâce du cristal.
Dans le Congrès des Sciences psychiques, qui eut lieu à Chicago en 1899, on a fait connaître les vertus insoupçonnées de la Boule de Cristal dont les adeptes sont bien nombreux.
Les séances spirites, les tables tournantes, des phénomènes de matérialisation offrent des preuves à la fois pittoresques et parfois invraisemblables de la crédulité sans bornes des gens s’adonnant aux pratiques occultes.
L’auteur de ces pages participa à de nombreuses expériences où il a été souvent peiné par le manque de sens critique et de raisonnement de la part des assistants. Ils devenaient très fréquemment la proie visible d’hallucinations collectives. Des savants de réputation universelle qui ont voulu approfondir certaines conquêtes occultes sont devenus à leur tour victimes de leur bonne foi, frisant souvent une crédulité sans bornes...
II faut se méfier surtout de l’apparition conventionnelle des mourants. Que ce soit sous forme de tables tournantes, par voie d’écriture automatique ou par l’intermédiaire du médium comme transmetteur de la pensée des défunts, on a décidément trop abusé de la crédulité des témoins.
Une prudence extrême s’impose avant tout dans l’intérêt même du spiritualisme. Car ses adeptes par trop naïfs ou exaltés, ont de tout temps fait bien plus pour le triomphe du matérialisme dogmatique que les matérialistes les plus ardents.
On ne saurait donc assez insister auprès des savants aussi influents que Camille Flammarion de ne pas laisser entrer dans leurs ouvrages des faits peu concluants, faciles à expliquer et à reproduire. Les antimatérialistes ont le devoir de se montrer, sous ce rapport, bien plus rigoureux que leurs adversaires, car un cas admis à la légère affaiblit et détruit des centaines d’autres, dignes d’attention.
On retrouve des exemples significatifs de la légèreté avec laquelle on admet les manifestations et les explications de l’inconnu, chez des savants et des écrivains parmi les plus notoires.
Une fois convertis à la religion spiritualiste, ils font l’effet des néophytes ardents, qui se brouillent facilement avec le bon sens et même avec leur méthode de travail, qui leur avait procuré la notoriété et la gloire si méritée.
Crookes, Lombroso, Hyslop, Oliver Lodge, etc., sans parler de quelques savants français de réputation mondiale, offrent, sous ce rapport, des exemples de crédulité des plus étonnants.
Prenons, à titre d’exemple, un écrivain comme Conan Doyle, connu dans le monde entier par son esprit si fin et ses dons d’observation aiguë qui lui ont permis d’échafauder des romans policiers d’une ingéniosité prodigieuse. Or, une fois convaincu de la réalité de quelques phénomènes télématiques, il a contresigné l’ensemble des croyances occultes avec une légèreté tout à fait inquiétante.
Les lecteurs de la Revue Mondiale ont sans doute lu avec le plus vif intérêt son admirable Message Vital où, à côté des phénomènes des plus intéressants, on retrouve des articles de foi, tout à fait déconcertants. Ses affirmations au sujet du corps sphérique, de même que ses représentations du monde de l’au-delà ne peuvent qu’être accueillies avec une certaine ironie. Lorsqu’il parle de l’au-delà, on dirait qu’il en est revenu, après y avoir séjourné pendant un certain nombre d’années :
« Tout y est paisible et doux, enseigne-t-il.
L’existence y est simple et familière.
Des groupes heureux habitent d’agréables domaines où ils goûtent tous les charmes de la beauté et de la musique.
De magnifiques jardins, de ravissantes fleurs, des bois verts, de jolis lacs, des animaux favoris...
« Il n’y a là ni pauvres ni riches.
Chacun sert à la communauté de son mieux.
C’est un lieu de joie et de rire.
Il s’y pratique toutes espèces de jeux et de sports...
La nourriture et la boisson n’existent pas.
Mais là, comme ici, l’intelligence, l’énergie, la volonté quand elles s’exercent pour le bien, peuvent faire d’un homme un chef. » Etc., etc.
Et Conan Doyle affirme qu’on a toutes les preuves d’une vie et d’un monde tels qu’il vient de les décrire !
On relève ici une sorte d’anthropomorphisme inconscient, une manifestation atavique des croyances rentrées dans la conscience humaine, depuis des siècles.
Que ce soit Lodge, dans son Raymond si discuté dans ces derniers temps, ou tant d’autres écrivains de l’au-delà, tous se laissent influencer par leur survivance religieuse et par les opinions qui règnent dans l’ambiance où ils évoluent.
Ainsi les esprits des défunts qui arrivent de l’autre monde parlent d’ordinaire le langage et affichent les goûts des médiums et de leur entourage. Les affirmations de Raymond sont, sous ce rapport-là, des plus typiques. Tout récemment Le monde a été secoué d’un fou rire ou troublé par des sentiments d’une curiosité passionnée, en apprenant la découverte faite par Edison et tendant à réaliser les désirs de causer avec les morts.
Une chose étrange était survenue dans la vie du grand inventeur américain. Il se montra depuis des années violemment sceptique à l’égard des phénomènes occultes. Or, un médium connu, Bert Reese, a fait beaucoup parler de lui aux États-Unis, au sujet de ses dons de clairvoyance - Comme beaucoup d’autres savants par trop dogmatiques, Edison, sans avoir assisté aux expériences du médium, ne cessait de le ridiculiser - Bert Reese finit par amener Edison à tenter avec lui une expérience. Admis dans son laboratoire, le médium a décrit ses travaux les plus secrets et déchiffra, par la lecture à travers les corps opaques, le texte de ses notes enfermées dans des enveloppes soigneusement cachées.
Edison, à l’instar d’autres incrédules qui l’avaient précédé dans cette voie, est tombé du coup dans l’autre extrême. Il envoya alors une lettre au New-York Times, son « Credo » de croyant...
Un autre savant, le Dr W.-H. Thomson, auteur du Cerveau et la Personnalité, se mit à ridiculiser à la fois le médium et Edison. Ce dernier obtint de son contradicteur la permission de lui amener le premier pour expérimenter. Thomson prépara une série de feuilles écrites en latin, en arabe, en français et en anglais, les enferma dans des enveloppes qu’il dissimula dans des endroits différents. Le médium réussit à déchiffrer le contenu de toutes les enveloppes, malgré son ignorance des langues étrangères. Quelques jours après, Thomson, à son tour, publia sa conversion à la religion spiritualiste, dans le Sunday Times.
On remarquera le manque de logique chez ces deux hommes éminents, ils auraient pu, à la rigueur, conclure à l’authenticité des phénomènes de clairvoyance, surtout à la lecture de la pensée, mais rien ne les autorisait encore à admettre en bloc la doctrine spiritualiste.
L’instrument inventé par Edison paraît être à la hauteur de son raisonnement de spiritualiste par trop ardent. Il s’agit d’un relai amplificateur. La moindre impression qui agirait sur l'instrument se trouvera considérablement amplifiée et enregistrée. Edison compare son appareil à la force d’un homme qui, tout en se servant d’une force de 8 chevaux, met en marche une machine de 5o.ooo chevaux. Il justifie sa croyance en l’immortalité du corps, par la doctrine de la matière indestructible.
Nous insistons sur ces faits afin de démontrer la nécessité d’une certaine prudence et du respect de la logique qui font fréquemment défaut aux investigateurs, si circonspects dans d’autres domaines.
On ne saurait du reste être jamais assez rigoureux dans l’examen des conditions qui accompagnent chaque phénomène occulte.
Qu’il me soit permis de rappeler un fait personnel qui avait vivement frappé, dans le temps, mon illustre ami W.-T. Stead. Un jour, invité à Londres à une grande séance spirite, j’ai constaté la facilité avec laquelle une réunion, composée d’une quinzaine de personnes intelligentes, se laissa troubler par un phénomène qui manqua de consistance réelle. Nous étions réunis dans un grand salon, dans la Norfolk Street, à Mowbray House. Les fenêtres donnaient sur la Tamise. A un moment donné, des lumières étranges se montrèrent au-dessus de ma tête. Dans l’obscurité et dans le silence où nous restâmes, des voix enthousiastes et émues s’élevèrent pour saluer cette apparition...
En levant les yeux, je fus, à mon tour, frappé par les rayons de lumière inaccoutumée, qui s’agitaient sous des formes des plus bizarres.
Cette concentration exclusive, au-dessus de ma personne, des rayons miraculeux qui auraient dû se placer plutôt au dessus de la tête de quelque spirite éminent, m’avait paru au moins imméritée.
Et je me suis permis d’en faine une modeste remarque. Mais tout en risquant de compromettre ma dignité d’être privilégié, je considérais de mon devoir de procéder à une contre expérience.
En examinant les rideaux hermétiquement fermés, je crus y apercevoir quelques petites fissures. Or, le réverbère allumé au bord du fleuve pouvait, par une reflet complexe, envoyer des lumières étranges. Je demandai donc la suspension de la séance et la fermeture plus soignée des moindres ouvertures donnant au dehors.
Et si malgré cette rectification des conditions de notre séance, le même phénomène devait avoir lieu, nous ne pouvions que souscrire à sa réalité. Mais, hélas, les lumières si extravagantes disparurent avec les conditions modifiées de la séance!... Et pourtant, sans cette rectification, les assistants, y compris moi-même, n’avions qu’à nous incliner devant cette manifestation occulte.
La nécessité de procéder à toutes sortes de contre-expériences s’impose ainsi à tous les esprits de bonne foi. Mais la prudence, même excessive, n’autorise point la négation en bloc des phénomènes occultes. L’illogisme, qui caractérise la plupart des savants et des hommes dits « concrets », qui rejettent à priori, avec une légèreté et un manque de sens critique, les manifestations multiples et complexes de l’Inconnu, est aussi contraire à la véritable discipline scientifique que l’excès de crédulité des spiritualistes par trop zélés...
Les formes de la survie restent et resteront sans doute pendant longtemps indécises. L’essentiel, c’est de pouvoir affirmer avec plus de preuves que par le passé l’existence réelle de l’âme. Mes expériences personnelles me font précisément douter de la continuation de la personnalité telle que l’affirmeraient les « matérialisations » des esprits. Et tout en laissant de côté les séances peu concluantes auxquelles j’ai eu l’honneur d’assister à Paris, à Londres, en Italie et ailleurs, en compagnie d’esprits les plus réputés de notre temps, je soumets à l’attention des gens impartiaux quelques doutes troublants.
Profondément préoccupé de la continuation de la personnalité dans le monde de « l’au-delà », j’ai établi une série d’engagements solennels et réciproques avec un certain nombre d’hommes éminents, dont plusieurs ne figurent plus parmi les mortels. Chaque disparu avait contracté le devoir de venir voir l’ami abandonné, afin de lui procurer la preuve convaincante de la survie. Dès le moment où les esprits se présentent même à l’appel des indifférents, qu’ils n’avaient jamais connus pendant leur passage sur terre, comment admettre qu’ils se refuseraient à accomplir les obligations contractées dans des conditions aussi solennelles ?
Mais, hélas, ni César Lombroso, le célèbre fondateur de l’anthropologie criminelle, ni Duclaux, le regretté Directeur de l’Institut Pasteur, ni W. T. Stead, l’illustre noyé du Titanic et tant d’autres ne sont jamais venus m’apporter le témoignage tant attendu.
Le cas spécial de Stead mérite d’être signalé. Après sa mort héroïque, où mon illustre ami avait fait preuve d’une grandeur d’âme, digne couronnement de sa vie d’écrivain génial et d’une loyauté légendaire, il aurait apparu dans une séance du Bureau Julia et réclamé mon arrivée à Wimbledon, en vue d’une communication importante. Cette convocation me fut certifiée par une dizaine de témoins de la séance.
J’ai répondu en exprimant mon étonnement que mon inoubliable ami n’ait pas cru utile de venir à Paris, afin de m’y fournir un témoignage direct, au lieu de m’appeler à l’étranger, tandis que son âme pouvait se déplacer plus facilement que nous autres habitants de la terre. On m’a répondu qu’il y avait précisément au Bureau Julia un médium célèbre devant et pouvant transmettre les pensées du défunt. Ce fut pour moi une raison de plus de ne pas me soumettre aux exigences de séances conventionnelles où les mourants ne se montrent qu’à travers des intermédiaires professionnels. Que les disparus ne se dérangent point à notre appel et qu’ils se refusent même à tenir les engagements contractés sous ce rapport, cela prouverait, nous dira-t-on, la défectuosité de nos moyens de communication.
Les nombreux exemples qu’offrent les documents recueillis par des sociétés et journaux psychiques, sont plutôt troublants que convaincants. Malgré la bonne foi des expérimentateurs et toutes les précautions prises par ceux-ci, il reste toujours matière à doute. On peut admettre à la rigueur qu’avec le temps nous réussirons à élaborer des moyens de communication spéciaux qui nous permettront de rentrer de plein pied dans le royaume des disparus. Mais présentement, les cas rares qui méritent un respect particulier, se trouvent fréquemment entourés des phénomènes plus ou moins fantaisistes, mal, et souvent point du tout contrôlés.
Et comme ceux-là mêmes, qui de leur vivant nous avaient transmis des faits innombrables, relatifs à leurs communications avec le monde de l’au-delà, étant morts à leur tour, ne viennent point instruire les mortels de la vérité outre-terrestre, malgré les promesses solennelles faites à leurs adeptes fervents, les doutes continuent à planer autour de l’apparition des morts.
Le cas du célèbre Myers mérite d’être signalé. Il devait revenir parmi ses fidèles pour leur apporter plus de certitude en ce qui concerne l’apparition des morts. Il se faisait attendre pendant longtemps et lorsqu’il a finalement réapparu par l’intermédiaire d’un médium, il a fait preuve d’une banalité de pensées et de sentiments qui provoqua une consternation douloureuse parmi les assistants...
L’explication donnée à ce sujet que même les génies d’ici bas peuvent devenir des êtres tout à fait médiocres là-haut, reste inadmissible. Car fut-elle vraie, ce serait la ruine du principe de la continuation de la personnalité qui nous intéresse le plus dans l’ensemble de la survie.
Il en est de même en ce qui concerne le prof. Hyslop. Celui qui a si profondément impressionné tous les adeptes des sciences occultes par ses expériences avec Mrs Piper et qui a fourni dans ses ouvrages tant d’exemples d’apparitions de morts, n’a point réussi à se désincarner après sa disparition.
Ses adeptes, désespérés, ne cessent pourtant de mettre en circulation des récits fantasques au sujet de ses apparitions, mais la Société des recherches psychologiques des États-Unis, qui fut fondée par lui, se voit obligée de rejeter, comme manquant de toute base de contrôle, les faits multiples répandus à ce sujet.
Pourtant la doctrine essentielle de la survie qui s’appuie sur d’autres preuves autrement convaincantes, n’en est ni compromise ni diminuée. Car il ne s’agit en l’occurrence que d’une des formes de la survie, mais point de Son essence.
Des faits innombrables, puisés dans tous les domaines des sciences occultes, tendent quand même à démontrer la réalité de la survie. Pris séparément, ils ne réussissent sans doute pas à détruire nos doutes, et à dresser un édifice inébranlable. Mais lorsqu’on se place au-dessus des exemples isolés et qu’on les observe dans leur ensemble, il faut s’incliner devant leur concordance qui trouble les esprits les plus obstinés. Et alors, cette doctrine, même pour les plus incrédules, prend au moins les allures d’une hypothèse scientifique respectable et en train de conquérir la valeur d’une vérité expérimentale.
Il faudrait plusieurs volumes pour enregistrer les preuves de la survie enregistrées dans les recueils imposants des sociétés de recherches psychiques, établies un peu partout, de même que dans les ouvrages émanant de savants qui jouissent d’une réputation universelle.
Bornons-nous à citer, à titre d’exemple, et à vol d’oiseau, quelques phénomènes que les esprits curieux pourront multiplier à l’infini, en ayant recours à la littérature des sciences occultes. Or, celle-ci, de plus en plus riche et variée, ne saurait laisser indifférents les hommes avides de vérités.
Arrêtons-nous devant les manifestations qui échappent à nos sens et aux appareils perfectionnés. Pourtant, des organismes exceptionnels, doués de facultés spéciales, réussissent à les voir et les font connaître avec des preuves de leur réalité irrécusable.
Un somnambule lucide aperçoit des effluves magnétiques « l’aura » qui nous entoure et en distingue les couleurs. On a pu ainsi relever ce fait, totalement ignoré dans le passé, que chaque personne a son « aura » spécial et que sa coloration varie avec les individus. Certains appareils photographiques les font ressortir, actuellement, avec évidence.
Des médecins qui se sont adonnés aux sciences occultes, prétendent même qu’il y a des « auras » reflétant des points étranges, qui découvrent des maladies cachées des sujets.
Un praticien assez connu à Londres, a soutenu devant moi cette thèse qu’il a pu, grâce aux indications de l’aura, faire des diagnostics qui lui ont permis de constater et de guérir des maladies qui resteraient autrement inguérissables. Je signale naturellement cette affirmation sous toutes réserves, n’ayant jamais pu la contrôler personnellement.
L’écriture automatique ne peut non plus être mise en doute de nos jours. On sait en quoi elle consiste : une personne jouissant de cette capacité mystérieuse devient souvent la proie d’une injonction inexplicable qui la force à prendre la plume ou un crayon et à griffonner automatiquement, souvent pendant des heures entières, des faits et des pensées qui restent habituellement en dehors de son entendement. Cette écriture prend fréquemment une forme renversée et reste indéchiffrable sans l’aide d’un miroir.
Il m’a été donné d’assister à des séances d’écriture automatique, où un médium, jeune fille n’ayant qu’une instruction primaire, émettait des pensées métaphysiques d’une profondeur rare, dépassant de beaucoup ses aptitudes intellectuelles. Le médium écrit même souvent dans une langue qui lui est complètement étrangère à l’état normal.
Ce don mystérieux se manifeste aussi sous une forme encore plus étrange. Le graveur Dumoulin m’avait fait voir chez lui une centaine de tableaux de toute beauté qu’il avait réalisés à l’état inconscient. Il ne fut jamais peintre de sa vie, lorsqu’un jour, poussé par une force inexplicable, il s’est mis à faire des paysages de pays exotiques qu’il n’avait jamais visités. Il avait fait de même des portraits d’une exactitude frappante de personnes qu’il n’avait jamais rencontrées.
Il fut un des intimes d’Emile Zola, et mon illustre ami m’en avait toujours parlé comme d’un homme doué d’un bon sens rare et étranger à toute idéologie occulte.
Et voici qu’un jour, soumis à la domination des principes qu’il avait toujours ignorés, il s’adonne à la pratique de son art subliminal, qui nous a valu une collection de tableaux d’une valeur rare et reflétant un art inconnu, dépassant les impressions que procure la peinture conventionnelle.
Profondément convaincu qu’il s’agissait là d’œuvres n’émanant point de sa personnalité habituelle, l’artiste n’a jamais voulu vendre aucun de ces tableaux, malgré les offres les plus alléchantes qu’on ne cessait de lui faire de toutes parts. Et pourtant sa fortune, plus que modeste, devait l’inciter à les accepter.
Cette force se manifeste également sous une forme de virtuosité qui s’empare de personnes n’ayant reçu aucune éducation musicale.
Le Prof. Hyslop signale plusieurs cas de dédoublement de la personnalité relevant du même phénomène.
Ainsi une jeune femme, qui n’avait jamais rien écrit ni publié, s’était mise un jour à rédiger des romans à la manière de Frank R- Stockton. La similitude fut tellement frappante qu’un célèbre critique américain, Henry Alden, l’avait relevée dans une étude spéciale.
Un jeune homme qui ignorait absolument la peinture, avait exécuté des tableaux remarquables, à la manière d’un grand artiste, mort sept mois auparavant et nommé R.-S. Gifford.
Hyslop cite plusieurs autres cas analogues. Il serait pourtant difficile d’admettre ses explications, qui tendent à faire intervenir la dislocation de la personnalité sur laquelle il voudrait greffer une intervention de l'au-delà !
Fréquemment la personne qui pratique l’écriture automatique se trouve dans la possibilité de signaler des crimes ignorés, l’emplacement d’objets volés, de même qu’elle révèle parfois des connaissances au-dessus de la mentalité des assistants.
D’après les documents fournis par la Société dialectique de Londres, les facultés motrices qui s’exercent dans ces cas, s’emparent à la fois de notre sens auditif et des autres organes, en aiguisant leurs aptitudes normales.
Que dire aussi de la révélation de faits inconnus du médium et des assistants ?
Comment expliquer ce phénomène ? D’après les autorités spirites, une des intelligences supra-normales habitant le monde de l’au-delà, aurait déclenché dans ce cas l’automatisme qui opère la transmission d’un message.
Les apparitions matérialisées des vivants et des morts sont devenus tellement nombreuses que les initiés n’en doutent point.
Les séances que relate le prof. James Hyslop (avec Mme Piper) celles du prof. Crookes, le célèbre chimiste (avec Miss Katie King), etc..., ne peuvent plus être rejetées en bloc.
Une série de savants les plus sceptiques qui niaient a priori tous ces phénomènes et les ont contresignés ensuite d’emblée, admettent, à l’instauré de Hyslop, que les esprits communiquant avec les vivants sont bien des personnalités qui auraient survécu à la catastrophe appelée la mort et continueraient à s’intéresser aux affaires terrestres.
Les explications du phénomène sont peut-être vraies ou absurdes, mais qu’importe ? L’essentiel pour nous, c’est sa réalité. Si même, neuf dixièmes des cas contrôlés et approuvés par les sociétés les plus sérieuses étaient, après un examen rigoureux, reconnus comme douteux, les rares faits authentiques obligeraient quand même à ne pas rejeter à la légère la Force Inconnue.
Un seul cas de survie contre lequel il n’y aurait point moyen de soulever des objections plausibles suffirait pour faire une brèche dans l’intransigeance matérialiste surannée.
Il est sans doute difficile de définir le sens de la Télépathie. Ses forces et ses formes sont aussi innombrables que les mystères qui entourent son fonctionnement complexe et varié.
Les Annales des Sociétés psychiques, qu’on publie actuellement dans les grands centres intellectuels du monde civilisé, apportent des centaines de milliers de faits allant à l’encontre de nos dogmes quasi scientifiques. Et, s’il n’en reste que plusieurs cas comme irréfutables, peut-on rester enlisé dans les anciennes ornières !
Donc une étude impartiale des nouvelles doctrines s’impose, d’autant plus que même les sciences les plus exactes furent souvent le théâtre des erreurs d’observation et d’interprétation de phénomènes parmi les plus généraux et les plus évidents. La modestie devient non seulement une vertu qui s’impose, mais une condition indispensable d’investigation rationnelle.
Il suffirait de parcourir les exemples innombrables étudiés avec une multiplicité de soins et un contrôle des plus rigoureux dans les publications de la Société dialectique de Londres, pour s’incliner devant la « Nouvelle réalité ». Prenons, à titre d’exemple, un des faits innombrables survenus pendant la guerre et qui fut contrôlé et confirmé par dés personnalités n’ayant rien de commun avec la religion et les pratiques occultes.
Voici le cas de Mme Richardson, la femme du général, qui se trouvant à 260 kilomètres de l’endroit où son mari fut blessé, entendit et reconnut sa voix disant : « Otez cette bague de mon doigt et envoyez-là à ma femme. » Or, les témoins immédiats de la blessure mortelle du général, avaient confirmé en tous points l’exactitude de cette audition télématique, à une distance de quelques centaines de kilomètres.
Tout tend à prouver qu’il existe entre les mortels une transmission mystérieuse de leurs sensations à travers l’Espace et le Temps. En est-il de même entre les disparus et les vivants ?
De nombreuses expériences réalisées dans cet ordre d’idées, paraissent le confirmer.
Or, cette forme de la télépathie pourrait, à elle seule, faire triompher le principe de la survie. Mais laissons pour le moment ce phénomène de côté, et arrêtons-nous devant la possibilité de connaître les événements à distance, et à travers l’espace et le temps, hors de la portée de nos facultés normales, car cela suffit à prouver qu’il existe un monde transcendantal, indépendant du cerveau et de son fonctionnement.
Les sceptiques, parmi les plus irréductibles, ne peuvent ainsi nier de bonne foi qu’il existe une force psychique engendrant des phénomènes supra-normaux dont le nombre, d’une authenticité indiscutable, ne cesse d’augmenter.
Qu’il s’agisse de la télépathie, du subconscient ou de l’intervention des esprits autonomes, la réalité du phénomène reste quand même intacte, malgré les controverses qui se produisent autour de ses origines.
Ceux qui se réclament de la science, n’ont aucunement le droit d’imiter les fanatiques de la Foi qui rejettent tout ce qui peut contrarier leurs idées acquises.
Karl du Prel raconte le cas amusant d’un prédicateur de Vienne qui, du haut de sa chaire, avait ainsi combattu l’hypnotisme :
« Je ne croirai à une suggestion hypnotisme que lorsque je l’aurai vue.
Je ne la verrai jamais parce que j’ai pour principe de ne jamais assister à ce genre d’expériences. »
Nous pourrions ainsi multiplier à l’infini les exemples de prémonitions, de la vue sans les yeux, de la lecture des événements à travers l’espace et le temps,-etc-, etc...
Lorsqu’on considère, même d’une façon superficielle, les manifestations télématiques, on saisit facilement que nos conceptions dans cet ordre d’idées subiront prochainement une transformation radicale. On ne recherchera peut-être même plus l’Au-delà, au Ciel, avec ses satellites, le paradis et l’enfer, car la physique céleste rend difficile l’admission d’un ciel au dessus de nous, mais l’au-delà redescendra ainsi en nous et fonctionnera autour de nous. L’au-delà! Mais nous n’en sommes point sortis et nous y restons pour toujours. Des pensé et des sentiments, des idées et des sensations nous y enchaînent. Ce qui varie, c’est sa compréhension, qui monte ou descend d’après la valeur de notre force psychique, de notre âme, de notre subconscient, de notre valeur morale.
La télépathie entre les vivants ne laisse plus subsister de doute, en ce qui concerne l’existence d’une force spirituelle débordant le contenu traditionnel de nos âmes et de notre intellect.
Mais celle d’avec les morts tendrait à prouver à son tour, la continuité, sinon la durée illimitée, par conséquent l’immortalité de l’âme ou du subliminal.
Ces manifestations sont, pour le moment, contraires à nos conceptions physiques et psycho-physiologiques, à nos idées du temps et de l’espace. La science, qui a corrigé tant de nos erreurs, rectifiera espérons-le, dans un avenir plus ou moins proche, nos fautes d’observation et de raisonnement. Mais, d’ores et déjà, son devoir est de ne plus mépriser les faits consolants de la survie.
Et alors, on ne meurt pas. La vie continue malgré les actes d’état-civil qui témoignent de notre disparition absolue. Le subconscient, le grand inconnu du moment, deviendra la conscience sublime, le jour où nous saisirons davantage sa signification.
Jean Finot
La revue-mondiale
Du 1er janvier au 15 février 1921