L’astrologie commença par être la science des astres. Mais on comprend que, dés le début, les hommes, en observant l’influence des astres sur les saisons, sur la température, sur les variations de l’atmosphère, aient été tentés de penser que les astres avaient aussi une influence sur les destinées de chacun des mortels.
Les Égyptiens, dit-on, et particulièrement les habitants de Thèbes, en Afrique, furent les premiers qui s’occupèrent des secrètes relations qui pouvaient exister entre le mouvement des astres et les événements à venir. Cependant quelques auteurs indiquent Babylone ou la Chaldée comme le berceau de cette science; Quelques-uns donnent mème à tous les astrologues le nom de Chaldéens et aussi celui de généthliariens.
Plus tard, lorsque les astrologues, à force d’abuser de la crédulité publique et de semer des erreurs et des mensonges, eurent fait tomber l'astrologie dans le discrédit, les praticiens de cet art prirent le nom de mathématiciens, nom sous lequel ils furent désignés généralement pendant presque toute la durée de l'empire romain. Leurs manœuvres occasionnèrent tant de troubles dans l’Etat, que le gouvernement de Tibère crut devoir les bannir de Rome. Toutefois, la loi édictée contre eux fait une distinction entre les mathématiciens et les géomètres.
Il est incontestable que l'étude de l'astrologie, surtout chez les Arabes, contribua puissamment aux progrès de l’astronomie. L’astrologie jouit d’une grande vogue au moyen age en Europe, et particulièrement en France. Ce fut en vain que Pie de la Mirandole la combattit énergiquement vers la fin du XV° siècle. Les rois et les princes ne continuèrent pas moins de la tenir en très grand honneur. Catherine de Médicis, aussi bien que Louis XI, croyait sa destinée écrite dans les astres. Plus de mille traités d’astrologie ont été écrits dans les diverses langues, et cette science a compté des adeptes au XVI° et au XVII° siècle, même parmi les savants les plus distingués, tels que Cardan, Kepler et Cassini, qui, avant de devenir un astronome et un géographe éminent, fut un studieux astrologue.
Dans l’Inde et dans l’extrême Orient, l’astrologie joue encore un rôle très important. "Rien ne se fait ici, dit Tavernier dans son Voyage à Ispahan, que de l’avis des astrologues. Ils sont plus puissants et plus redoutés que le roi, qui en a toujours quatre attachés à ses pas. Il les consulte sans cesse, et ils l’avertissent du temps où il doit se promener, de l'heure où il doit s'enfermer dans son palais, se purger, se vêtir de ses habits royaux, prendre ou quitter le sceptre, etc. Ils sont si respectés dans cette cour, que le roi Schah-Sophi étant accablé depuis plusieurs années d’infirmités que l’art ne pouvait guérir, les médecins jugèrent qu’il n’était tombé dans cet état de dépérissement que par la faute des astrologues, qui avaient mal pris l’heure à laquelle il devait être élevé sur le trône. Les astrologues reconnurent leur erreur; ils s’assemblèrent de nouveau avec les médecins, cherchèrent de nouveau dans le ciel la véritable heure propice, ne manquèrent pas de la trouver, et la cérémonie du couronnement fut renouvelée, à la grande satisfaction de Schah-Sophi, qui mourut quelques jours après."
Au Japon et en Chine, l'astrologie est encore en pleine pratique. Voici quels sont les principes généraux de l'astrologie : Cette science ne reconnaît aujourd’hui encore, malgré les découvertes de l'astronomie, que sept planètes, avec douze constellations du zodiaque. Chacun de ces corps célestes a une influence sur chacune des parties de notre individu. Le soleil gouverne la tête, la lune commande au bras droit, Venus dirige le bras gauche, Jupiter préside à l’estomac, Mars dicte des lois aux organes de la génération, Mercure fait agir le pied droit, et Saturne met en mouvement le pied gauche. Il y a bien à ces principes quelques variantes, suivant les doctrines des divers savants.
Quant aux constellations, voici comment se répartit leur action. Le verseau agit sur les jambes; les poissons sur les pieds; le bélier sur la tête; le taureau sur le cous; les gémeaux sur les bras et les épaules; l’écrevisse sur la poitrine et le cœur; le lion sur l'estomac; la vierge sur le ventre; la balance sur les reins et les fesses; le scorpion sur les organes génitaux; le sagittaire sur les cuisses; le capricorne sur les genoux.
Suivant Hermès, les sept ouvertures de la tête humaine correspondent aux sept planètes : les deux yeux au soleil et à la lune, les deux oreilles à Jupiter et à Saturne, les deux narines à Mars et à Venus, et la bouche à Mercure. On lit dans la Philosophie d’amour de Léon l’Hebreu, traduite par Dupare : "Le soleil préside à l’œil droit, et la lune à l’œil gauche, parce qu’ils sont les deux yeux du ciel; Jupiter gouverne l’oreille gauche, Saturne la droite, Mars le pertuis droit du nez, Venus le pertuis gauche, et Mercure la bouche, parce qu’il préside à la parole."
Fort bien : En ce qui concerne le soleil,la lune et Mercure, l’explication est satisfaisante; mais pourquoi l’auteur s’abstient-il à l’égard des autres ?
D’après le livre des Admirables Secrets d’Albert le Grand, les diverses planètes ont les attributions suivantes: Saturne a dans son ressort la vie, les changements, les édifices et les sciences; Jupiter régit l'honneur, les souhaits, les richesses et la propreté des habits; Mars préside à la guerre, aux prisons, aux mariages, aux haines; le soleil règne sur l’espérance, le bonheur, le gain, les héritages; Venus a dans ses domaines les amitiés et les amours; Mercure a dans les siens les maladies, les pertes, les dettes, la concurrence et la crainte; enfin il reste à la lune les plaies, les songes et les larcins.
Dans l’astrologie, les planètes, à qui sont consacrés chacun des jours de la semaine ainsi que l’indiquent les noms qu’ils portent encore aujourd’hui : lundis lunae dies, etc..., ont aussi des correspondances mystérieuses avec les couleurs, avec les métaux, avec les différentes situations de l’atmosphère, enfin avec les divers caractères de l’âme humaine; ainsi le soleil est favorable et bienfaisant, Saturne, triste, froid et morose, Jupiter, bénin et tempéré, Mars ardent, Vénus bienveillante, Mercure inconstant, la lune mélancolique.
Nous ne croyons pas devoir entrer, à l'égard de la déduction des horoscopes et de la divination astrologique, dans des détails de pratique que notre sujet ne comporte pas; nous laissons donc de côté les divers aspects des constellations; la maison céleste avec ses différents angles et ses portes variées, les conjonctions et les rencontres des astres, les luttes des influences. Nous croyons être plus agréable au lecteur en citant quelques anecdotes qui se rapportent à l’histoire de l’astrologie.
L'horoscope d’Eschyle, le grand poète grec, annonçait qu’il serait tué par la chute d'une maison. Pour échapper à cette destinée, il alla, à l’époque fatale, se camper au milieu d’un champ. Mais un aigle, qui tenait une tortue dans ses serres, la laissa tomber juste au-dessus de la tête d’Eschyle, qui fut tué du coup. Les astrologues virent la une vérification de l’horoscope, la carapace d’une tortue étant une véritable maison.
Le Grand Mogol Schah-Ghéan avait quatre fils. Darah, l’un de ces quatre fils, qui avait la confiance la plus absolue dans l'étude des astres, alla consulter un astrologue. Celui-ci lui prédit qu’il monterait bientôt sur le trône; et comme le prince demandait une affirmation positive, le devin jura qu’il pouvait répondre sur sa tête de la vérité de la prédiction. Un des assistants, demeuré seul avec l'astrologue, parut étonné qu’il ait osé engager sa vie sur un évènement aussi douteux.
- Je suis bien sur, répondit le magicien, qu’excité par ma prédiction, Darah fera la guerre pour s'assurer le trône. Or, s’il est vainqueur, ma fortune sera faite, s’il est vaincu, il sera mis à mort, et je n’ai rien à craindre de lui.
L’empereur Frédéric Barberousse , après avoir pris d’assaut la ville de Vicence, s’apprêtait à en sortir. Il voulut mystifier le principal astrologue de la ville, un homme qui passait pour infaillible; il le fit venir, et le mit au défi de designer à l’avance la porte par laquelle il sortirait. Le devin accepta le défi et remit à l’empereur un billet cacheté en le priant de ne l’ouvrir que quand il serait dehors, en lui annonçant qu’il trouverait sous ce pli le nom de la porte par laquelle il serait sorti. Pendant la nuit, Frédéric fit faire dans un des murs une brèche par laquelle il passa. Le billet ayant été ouvert, il y lut ces mots : "L’empereur sortira par la porte neuve." Barberousse jugea dés lors qu’il pouvait y avoir à compter avec l'astrologie et les astrologues.
On raconte qu’un riche bourgeois de Lyon ayant consulté un astrologue et ayant appris de lui qu’il n’avait plus qu’un certain nombre d’années à vivre, se fit un plaisir de ne pas laisser un sou vaillant à ses collatéraux, dont il avait à se plaindre, et qui étaient ses seuls héritiers; en conséquence il s’arrangea de façon à manger largement toute sa fortune avant le moment fatal. Cet homme, qui n’avait pas voulu être surpris par la mort, fut surpris par la vie, et se trouva en parfaite santé, mais complètement ruiné, à l’époque prédite par l'astrologue, et même réduit à demander l’aumône, ce qu’il faisait en ces termes :
- Hélas ! disait-il en tendant la main, assistez un pauvre homme qui vit plus longtemps qu’il ne croyait.
Le pape Jean XXI avait passé une partie de sa vie à étudier l’astrologie, et croyait fermement aux pronostics obtenus par cette science. Or tous ses horoscopes concordaient pour lui promettre une longue existence. Il aimait à se vanter de cette faveur du ciel. Un jour qu’il en parlait encore en examinant des travaux qu’il faisait faire à son palais de Viterbe, une voûte s’écroula au-dessus de sa tête et le blessa si grièvement qu’il en mourut six jours après.
Les femmes qui font métier de sorcellerie ne se bornent pas toujours à tirer les cartes, à expliquer les songes, ou à lire dans le marc de café; il en est aussi qui ont la prétention de demander les secrets de l’avenir aux calculs astrologiques. Au moins telle était une vieille femme qui courait la province il y a quelques années. Un jour qu’elle était de passage à Bordeaux, deux dames fort riches eurent la fantaisie de se faire faire leur horoscope astrologique. Elles se rendirent à l’hôtel où était descendue la magicienne en très grande toilette, couvertes de dentelles et parées de leurs diamants et de leurs plus riches bijoux, à l’heure même où elles étaient censées aller au spectacle.
- Mesdames, leur dit la vieille femme, si vous avez réellement l’intention de fouiller dans l’avenir, il faut vous munir de courage : Tous les êtres humains ont une planète, une étoile familière, sur laquelle sont inscrites leurs destinées, mais qui ne descend à portée de leur vue que si elle y est contrainte par une volonté énergique , une puissance supérieure. Cette puissance je la possède, et je ne demande pas mieux que de la mettre à votre service, en vous faisant voir de prés à chacune votre astre familier et protecteur, en vous mettant à même de savoir en quelques minutes tout ce qui peut vous intéresser sur le présent et l’avenir. Toutefois, il est certaines conditions indispensables pour faire réussir mon évocation.
- Quelles sont ces conditions ? Parlez vite, quelles qu’elles soient nous nous y soumettrons. Nous avons hâte de connaître nos étoiles, de les voir, de leur demander... Mais il n’y a pas de danger au moins ?
- Non, assurément, aucun danger. Les astres isolément ont toujours une influence bienfaisante. Ce sont les obstacles semés par les mauvais esprits, ou les rencontres d’étoiles opposées qui les gênent, les contrarient parfois dans leur marche et dérangent le cours des destinées. Seulement il faudra peut-être un peu de temps pour les soumettre à mes ordres, mais ils n’y résisteront pas.
- C’est bien ! Dit une des dames, vous allez commencer. Mais, ajouta-t-elle en s’adressant à son amie, si cela doit être long, nous ferons bien d’envoyer nos carrosses au théâtre, où ils nous attendront, nous nous y rendrons à pied.
En effet, ordre fut donné aux cochers d’emmener les deux voitures à la porte du théâtre.
- Eh bien, dit la dame à la sorcière, êtes-vous prête ? Parlez maintenant, que faut-il faire encore ?
- Il faut, dit la vieille femme, pour que votre étoile puisse vous reconnaître, et, sur mon ordre, se manifester à vos yeux, il faut que vous soyez dépouillées de tous ces vains ornements qui vous font ressembler à tant d'autres femme vêtues et parées comme vous, de tout ce qui déguise votre corps et votre esprit, et annonce chez vous la préoccupation de la coquetterie et des choses matérielles; que vous soyez vraiment dans l’état qui vous rapproche le plus du pur esprit, dans l’état enfin où étaient Adam et Eve quand ils étaient en communication directe avec les astres et les esprits.
- Comment ! Dit une des dames, nues ? Vous voulez que nous nous mettions dans le costume d’Eve... Nues, absolument nues ?... Mais c’est impossible... Inconvenant ! Nous ne pouvons...
- Que craignez-vous ? dit la vieille; les regards d’une étoile, d’une planète peut-être... Croyez-vous donc que les astres sont indiscrets ? Du reste, il n’y a pas à discuter, la condition est absolue.
- Enfin, soit ! dit la dame.
Nos deux élégantes se déshabillèrent donc, tout en se communiquant leurs réflexions sur cette étrange exigence de leur étoile. Lorsqu’elles eurent tout quitté, jusqu’à leur vêtement le plus intime, la vieille les fit passer chacune dans un cabinet séparé et non éclairé, dont elle ferma la porte à clef, pendant qu’elle demeurait dans le salon pour préparer les évocations et les enchantements. Les deux dames, si pressées de connaître leurs avenir, commencèrent à s'impatienter au bout de quelques minutes. Cependant, comme on leur avait recommandé le silence, elles rongèrent leur frein et surent se contenir. Une demi-heure, une heure, deux heures se passèrent ainsi, sans que rien se montrât ou se fit entendre à elles. Alors, exaspérées, au paroxysme de la fureur, elles se mirent presque simultanément à pousser des cris de rage, à heurter les portes avec violence. Elles firent tant de bruit, que des voisins finirent par entendre, par accourir et par appeler les maîtres de l’hôtel, qui, ne sachant pas ce que signifiait ce tumulte et n’ayant pas les clefs que la vieille avait emportées, envoyèrent chercher un commissaire de police. Celui-ci arriva accompagné de ses agents, et, en présence d’une foule considérable, fit forcer les portes des deux cabinets, où l’on trouva les deux grandes dames évanouies, et dans un appareil encore plus simple que l’appareil dont parle Racine : D’une jeune beauté qu'on arrache au sommeil.
De quelle honte ne furent-elles pas saisies quand elles revinrent à elles en présence de tant de témoins, et quand elles apprirent que la vieille était partie depuis plus de deux heures et avait du quitter la ville en emportant leurs vêtements et leurs bijoux. On leur prêta des robes pour regagner leurs domicile. Elles supplièrent les assistants de ne point parler de cette aventure, mais ce fut en vain; elles devinrent bientôt la fable de toute la ville et se virent contraintes de s’exiler pendant quelque temps. Bien entendu, elles ne revirent jamais la prétendue sorcière, qui était allée ailleurs chercher d'autres dupes. Il va sans dire que, quant à elles, elles furent dégoûtées pour toujours de l'astrologie.
Tiré de 'L'art de tirer les cartes' par Antonio Magus, 1875.